La bulle de filtre... Qu'est-ce que c'est ?

La bulle de filtre... Qu'est-ce que c'est ?

“Bulle de filtre”, voilà un terme bien barbare... Pourtant, il est présent tout au long de notre navigation sur Internet ou sur les réseaux sociaux. Décryptage et risques

Internet est une base de données monumentale. Il est devenu impossible de quantifier le nombre d’informations qui y sont disponibles et l’augmentation des vitesses de connexion ont permis de publier et d’avoir accès non seulement à du texte, mais aussi à de l’audiovisuel. Cette quantité astronomique d’informations est accessible, on l’a vu, par le biais des moteurs de recherche.

Imaginez à présent. Si Internet était un restaurant, il serait logique qu’on vous propose un menu qui montre tous les plats disponibles. Si l’on vous proposait un menu avec seulement une sélection de plats que l’on juge bons pour vous (selon vos goûts, votre style, votre corpulence, votre budget ou votre origine par exemple) vous en rendriez-vous compte ? C’est bien cela une bulle de filtre. Alors, comment cela se met en place sur Internet et quels problèmes cela pose-t-il ?

Définition 

Le terme de “bulle de filtre” est attribué à Eli Pariser, entrepreneur militant et fondateur de avaaz.org (site de pétition sur Internet)Selon Pariserle phénomène de « bulle de filtres » est à la fois la sélection de l'information qui parvient à l'internaute et l'isolement intellectuel et culturel dans lequel il se retrouve lorsqu’il a accès à ces informations.

Stop, Attendez ! “Sélection de l’information” ? Les moteurs de recherche et les réseaux sociaux ne nous montreraient pas tout ? Et nous serions esseulés par cette sélection d’information ?Entrons dans le détail. 

Selon cette théorie, des algorithmes sélectionnent les contenus visibles par chaque internaute en s'appuyant sur différentes données collectées sur lui. Ces données collectées sont par exemple les recherches sur Internet qu'il a déjà faites, le temps de connexion, les sites fréquentésles clics, les interactions sociales, le pays de résidence, ... En croisant ces données, il devient possibled’établir quel “internaute” vous êtes. Ces algorithmes vont ensuite comparer ces données aux millions d’autres et définir les profils similaires à qui elles correspondent. Cela permettra alors de définir quelles sont vos “supposées caractéristiques” (homme, femme, jeune, aîné, profession, bord politique, loisirs, intérêts, situation familiale...)

Vous voilà donc catalogués sur les réseaux sociaux ou Google !... sans pour autant être vraiment ce que vos données disent de vous.

C’est pourtant selon ces critères que les réseaux sociaux vont afficher, non pas les données demanière chronologique, mais bien celles qui sont supposées vous correspondre le plus... Odu moins, qui correspondent le plus à votreprofil. Acela s’ajoute par exemple, les amis avec lesquelles vous avez le plus de contacts ou les entreprises/marques/institutions que vous suivez le plusChaque recherche ou consultation de réseau social est influencé donc par ces espèces de bulles qui se créent autour devous et qui ne vous laisse passer qu’une partie des résultats.

Et ce phénomène est à présent commun et répandu sur les réseaux sociauxou les moteurs de recherche, quels qu’ils soient.

Qui en profite ? 

Une chose est sûre, le phénomène est très médiatisé, mais dans les faits, les différences sont beaucoup plus fines.

Cela étant, à qui cela profite-t-il ? Voyons la situation sous un autre angle. Si votre profil correspond à différents critères, on peut donc cibler des groupes de personnes ayant des caractéristiques communes. Et du coup, en sachant ce qui peut leur plaire, il est possible de créer des contenus qui vont les intéresser.

Du coup, il devient aisé pour une marque de faire de la publicité et adapter son marketing. De même, il devient simple d’influencer une opinion politique indécise. 

Pour bien vous enfermer dans une bulle, il faut donc pouvoir vous noyer sous une quantité astronomique d’informations et de contenus qui correspondent à vos caractéristiques. Et dans ce contenu peuvent se glisser bien sûr des Fake News ou du moins du contenu imprécis ou non-vérifié.

Exemples 

On peut parler de bulles de filtres avec les fameuses annonces Google. En effet, il suffit d’utiliser le moteur de recherche pour que des publicités en lien avec le résultat de recherche précédent apparaissent sur les prochains sites visités, sur les applications, les lancements de vidéos, etc... Tous les moments et lieux dédiés à la publicitéseront influencés par la recherche effectuéeC’est en somme un effet de filtre commercial.

Une autre bulle de filtre existe lors de recherche de vidéos sur Youtube, avec des suggestions de vidéos en lien avec ce qui a été recherché ou visualisé.Et l’effet de filtre est d’autant plus fort lorsqu’on s’intéresse à des théories conspirationnistes ou complotistes. Par exemple, en cherchant des vidéos concernant les preuves que la Terre est plate, on remarque que le contenu est très fourni. Le ton de ces vidéos est principalementclivant, car le sujet est manichéen (soit la Terre est plate, soit elle ne l’est pas).

Autre bulle de filtre dont il faut avoir conscience : la sélection d’amis. La majorité des réseaux sociaux ont des algorithmes qui considèrent quels contacts vont être affichés dans votre fil d’actualité. Et ces contacts sont peut-être ceux avec qui vous avez le plus de relation (occultant les moins actifs) / ceux qui ont aimé le même contenu que vous/ ceux qui ont beaucoup d’amis en commun avec vous. Bref, les réseaux sociaux sont là pour ne pas vous heurter et empêcher que vous les quittiez, donc ils proposeront .

Politiquementlaffaires Cambridge AnalyticaauxEtats-Unis ont clairement montré que l’on peut influencer les citoyens, surtout les indécis, grâce à cet effet de filtre en ciblant ces derniers et en leur montrant des informations qui ont influencéleur choix lors de l’élection présidentielle, quitte à ce que ces informations soient totalement fausses.

Effets 

Le fait de sélectionner un contenu qui nous plaît a un effet extrêmement néfaste. Sous couvert de ne pas nous contrarier en étant confronté à du contenu qui ne nous intéresse pas, la bulle de filtre supprime l’alternative et la diversité de penser.Les opinions politiques diverses n’existent alors plus. La possibilité d’accéder à des informations différentes est occultée. Les moyens de constituer son opinion sont donc réduits à n’être qu’une pensée unique.En résulte, la perte d’esprit critique et l’impossibilité de constituer son avis.

Autre élément grave, le fait de “baigner” dans cette abondance de contenus qui vont dans le même sens provoque un effet intéressant. En effet, on considère que ce sont des preuves de la vérité. De notre véritéIl se crée donc une certitude que notre opinion est la meilleure, car prouvée. Cela rend le débat nettement moins possible, car il manque de contenu.

Enfin, et ceci se voit dans des pays où les réseaux sociaux supplantent les médias traditionnels comme source d’information, il se crée des fractures sociales entre groupes d’opinion différentes. Ces divisions s’ancrent profondément dans la société, les uns étant persuadés que les autres ont tort. Ces divisions dues à l’omniprésence de fake news et de polarisation du discours se sont observées par exemple lors des élections présidentielles brésiliennes en 2018.

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